Nouvelle Calédonie : une étude sur les requins survivants

par | 2 Mai 2024 | Actualité Requins, News

Après avoir abattu près de 250 grands requins en Nouvelle-Calédonie en moins de 4 ans contre l’avis des associations et de l’UICN, la province Sud déterre enfin le programme de l’IRD de marquage de Tigres et Bouledogues débuté en novembre 2018 et avorté en janvier 2021, qui avait permis de tracer 21 individus.

Parmi eux, certains ont finalement été pêchés et abattus en Nouvelle-Calédonie, mais aussi en Australie à 1 500 km de là, remettant en cause la sédentarité de l’espèce.

Ce Mea culpa tardif de la province Sud, financé à 75 % par l’Etat et souhaité de longue date par le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et la Cour d’appel de Paris, a pour ambition de marquer pendant 4 ans, 200 grands requins qui auraient survécu aux abattages de masse.

MerouBassemayousse

Un virement de bord tardif, désormais indispensable aux yeux de tous.

Longtemps souhaité par les associations (dont Longitude 181), l’UICN, le sénat coutumier et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, le lancement d’une vaste étude sur l’écologie des grands requins va enfin voir le jour, sous la pression des tribunaux et de l’obtention de fonds verts. Après s’être heurtées à différents revers législatifs devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et de la Cour d’appel de Paris, la province Sud, et, in fine, la mairie de Nouméa, se retrouvent contraintes d’accepter le fait que la science ait son mot à dire dans le dossier “requin”.

Préférant décimer près de 250 requins tigres et bouledogues en 4 ans (dont la moitié en 2023), plutôt que de tenter de comprendre pourquoi des accidents avaient lieu aux abords de la capitale Nouméa, la province Sud a finalement…changé d’avis. Et pour cause.

Début 2024, un thésard  de l’IRD, financé par la métropole, devait s’atteler à comprendre et à expliquer non pas l’écologie mais bien l’accidentologie locale liée aux requins. A croire que seule l’accidentologie intéresse quand on parle de requins. Pour ce faire, il devait analyser une centaine d’indicateurs et les corréler. Problème : aucune donnée n’existe localement. Ni l’importance de la population des espèces concernées, ni son dynamisme, ni le nombre de baigneurs autour de la capitale, ni l’inventaire des rejets et modifications sonores et matérielles liés au différents travaux engagés par la mairie sur le front de mer, ni la température des eaux en surface,… Rien. Ou si peu.

Deux mois après la signature des fameux Fonds verts, cofinancés par l’Etat à hauteur de 80 millions d’euros (9,6 milliards Cfp), prévus pour réaliser des investissements en faveur de l’environnement; la province Sud se devait de “verdir” son image.

Une très bonne nouvelle pour la biodiversité 

Qu’importe le pourquoi du comment, cette vaste étude va enfin voir le jour, et si elle est menée objectivement, c’est une très bonne nouvelle pour la biodiversité.

D’ici deux mois, le programme de l’IRD enterré en 2021 (et non pas d’une durée de 9 jours comme annoncé par la province Sud) reprendra du service. S’ils sont trouvés, 200 individus devraient être pêchés, marqués, relâchés et suivis grâce à des hydrophones, autour de 7 lieux identifiés.

Dommage d’avoir jeté le formidable matériel génétique des 250 requins tués jusqu’alors, abandonnés à la décharge publique ou au fond de l’océan. D’autre part, pourtant voulues par certaines associations locales, les sciences participatives ne sont pas au programme. Pourquoi se passer des observations des milliers de plongeurs, chasseurs, apnéistes qui parcourent le lagon tout au long de l’année ?

Longitude 181, comme d’autres associations locales et nationales, veilleront au bon déroulé de cette étude si prometteuse, en espérant que ses résultats ne servent pas à légitimer des actions prises unilatéralement par la province Sud, comme ce fut le cas en septembre 2019 après les “ateliers de la biodiversité”. La décision d’abattre les requins de grandes tailles y avait été prise, contre l’avis de la centaine d’acteurs qui avaient participé aux ateliers.

    La Province Sud anticipe les résultats de l’étude…

    Dans un communiqué rendu public la semaine dernière, la province Sud prévient avoir tout de même une petite idée des résultats de cette étude, avant même son lancement. “Les données recueillies permettront aux autorités locales d’élaborer des plans de gestion du risque requin, visant à garantir la sécurité des usagers nautiques tout en minimisant les impacts environnementaux.” Jusque là, tout va presque bien, et puis : “Cela se fera notamment à travers des mesures de protection telles que l’installation de filets ou d’autres équipements, des actions de sécurisation comme l’utilisation de navires et d’embarcations non propices à la consommation d’eau de mer (kezaco ?), ainsi que des initiatives de surveillance comprenant des tours de guet, l’utilisation de drones, une analyse quotidienne et un système d’alerte basé sur des hydrophones connectés et/ou des sirènes.”

    Autrement dit, la réintégration des requins tigres et bouledogues au sein du Code de l’Environnement de la province Sud, synonyme de protection et d’interdiction de pêche, est d’ores et déjà exclue. Pourquoi financer une étude si l’on connaît déjà les mesures que l’on va adopter dans quatre ans ? 

    Textes et photos : Aurélien Lalanne, délégué Longitude 181 en Nouvelle Calédonie

    Soutenir Longitude 181

    et La Voix de l’Océan

    Longitude 181 est une association financièrement indépendante. Grâce à votre soutien nous continuerons à Alerter sur les menaces qui pèsent sur l’Océan et Agir pour  faire entendre  La Voix de l’Océan

     Même pour 1 €, vous pouvez soutenir LONGITUDE 181 et cela ne prend qu’une minute. Merci.

    En lire plus

    Pin It on Pinterest