L’UNOC et Les Aires Marines Protégées à la française…
Les aires marines protégées était LE sujet attendu par les ONG, tant sur le plan national qu’international lors de l’UNOC à Nice. Notre attente était grande et portée aux côtés d’autres ONG, au sein de la coalition citoyenne pour l’Océan, entre autres.
Hélas, le résultat est loin, très loin, de l’urgence environnementale !
Cet article fait le point sur les annonces françaises, nous commenterons les aires marines internationales en haute mer (BBNJ / au-delà des juridictions nationales) dans un prochain article.

Un coup de com’ savamment orchestré
Le 9 juin, par la voix de son président et du communiqué de presse de la ministre de la Transition Ecologique, La France se targuait d’annonces fracassantes en matière d’aires marines protégées !
La veille au soir, nous avions le communiqué de presse en main, et avouons -le , à la première lecture, nous avons été dupés !
Un communiqué de presse préparé de longue date, en secret, qui mérite la palme d’Or de la mauvaise foi et de la meilleure présentation de chiffres !
Mais la nuit porte conseil : après avoir revu les définitions des aires marines, les chiffres et les cartes associées, nous avons déchanté devant le mécanisme implacable du coup de com’ du président Macron, et de sa ministre…
Malheureusement , la presque totalité des médias sont tombés dans le panneau et ont relayé les informations françaises qui ne manquent pas de panache et … d’air !

De quoi parle-ton ?
Avant d’examiner les chiffres, au demeurant inutiles, rappelons quelques éléments importants :
- La protection des aires marines protégées dispose d’une définition « à la française » , qui d’une part empile 14 statuts différents , avec pour la protection la plus importante dite protection forte (ZPF) ) dont le cadre légal est complexe et qui manque de clarté. Le décret du 12 avril 2022 en pose une définition aux critères flous avec une approche au cas par cas, sans interdiction explicite d’activités (protéger fortement c’est « viser à éviter, diminuer significativement ou à supprimer, de manière pérenne, les principales pressions sur les enjeux ». Et rien sur le bannissement de la pêche ou de techniques de pêche.
- La définition européenne des aires marines protégées s’appuie et recommande à l’ensemble des Etats qui l’ont adoptée ( sauf la France) celle de l’UICN. La protection la plus élevée dans ce cadre est la protection « stricte » de la commission européenne qui correspond au catégories Ia et Ib de l’UCIN qui comprend 6 niveaux de protection la plus restrictive ( catégorie I) à la catégorie 6 ( la plus permissive).
- Les derniers travaux de simplification des catégories de l’IUCN portent d’ailleurs à 4 niveaux de protection : intégrale, haute, légère , minimale. La protection intégrale ne comporte aucune activité extractive et correspond à la protections stricte de la commission européenne.

Avant de parler chiffres, il faut s’entendre sur les définitions !
De nombreuses associations , dont Longitude 181 prônent en premier lieu :
- L’alignement de la “protection forte” française sur la “protection stricte” européenne, fondée sur les critères des catégories I et II de l’UICN
- L’adoption de la définition générale des niveaux de protection de l’UICN pour la France
Pour parler chiffres, il faut pouvoir les comparer !
Deuxième point important : L’UICN a clarifé qu’une zone sujette à des activités industrielles extractives (pêche , extraction de sable, ..) ou abritant des infrastructures industrielles ne pouvait en aucun cas être désignée comme une aire marine protégée.
Dès lors toute activité de chalutage de fond, par exemple est incompatible avec la définition même d’aires marines protégées. Et par extension toute activité d’extraction.
La France, avec sa définition des aires marines protégées, en y autorisant des activités de prélèvement est incohérente avec les définitions internationales et comptabilisent ses aires marines protégées à l’aulne de ses propres règles. De plus, elles pousse ses aires marines protégées essentiellement dans les territoires ultra-marins.
D’où notre requête conjointe de répartition équitable entre l’hexagone et les territoires ultra-marins des aires marines protégées, ces derniers permettant de « faire du chiffre » et de constituer des aires marines de papier, loin des yeux et du cœur. La répartition que nous défendons est celle des façades maritimes (Mer du nord, Manche, Atlantique, Méditerranée, Mer de corail, etc.. ) afin d’assurer partout un corridor de protection de la biodiversité marine.
Les annonces chiffrées de l’UNOC
Petit rappel : au niveau international , il est de bon ton d’atteindre les 2 objectifs suivants
- 30 % avant 2030 pour l’ensemble des aires marines d’un domaine maritime d’un Etat
- et 10 % de protection stricte
Les annonces faites par la France à L’UNOC se résument en un tableau AVANT L’UNOC / APRES L’UNOC ( issu du communiqué de presse) ci-contre :

Plusieurs constats :
- Les aires marines AMP en France hexagonale ne bougent pas : de 46 % à 46% ,
Circulez , pas de changement , chalutage et extraction resteront possibles dans ces zones ! On ne gêne personne, business as usual !
2. L’essentiel de la « nouvelle « protection se faisant en outre-mer de 3 ,1 % à 79 % !
Diantre ! Il semble que le 4,5 millions de km2 soient apparus d’un coup de baguette magique ! Merci àla Polynésie notamment, … mais que les moyens pour pourvoir au contrôle de ces AMP n’ait pas fait l’objet d’une quelconque annonce ou mesure. Dès lors , beaucoup d’interrogations sur la réalité de ces AMP au statu le moins disant .
3. Pour les zones de protection forte à la française , forte progression globale de 4.8 à 14.8 % avec l’apport , ici encore de l’outremer, avec les mêmes remarques qu’au point précédent.
4.Pour les zones de protection fortes, on peut penser à la vue des chiffres que le gouvernement français ait entendu le critère de meilleure répartition équitable entre l’Hexagone et l’outre-mer car l’hexagone passe de 0.1% à 4% ! (on rappelle que tout y est possible quand même par la définition de 2022). Et à ce point , se pose la question de l’augmentation par 40 (!) des zones de protection forte. C’est ici que les cartes jointes en annexe du communiqué de presse nous éclairent et sèment le doute :
Les zones de protection forte proposées (vert clair) sont disposées le long du talus continental , une zone difficilement accessible au chalutage, voire où l’interdiction de chalutage est déjà en vigueur ! On ne gênera personne, c’est sûr ! Business as usual !
…Et c’est la même chose en Méditerranée ! (voir carte en annexes du communiqué de presse)
Belle tromperie écologique qui en dit long sur les procédés utilisés pour assure un coup de com’ menteur !
La réalité est que les chiffres sont vidés de tout leur sens ! Où est la protection additionnelle à la sortie de l’UNOC ?
Intransigeants et suspicieux ?
Le sommes-nous ? Eh bien, pour en juger, nous avons demandé sur place l’avis des congressistes présents à l’UNOC que nous avons croisés, et particulièrement ceux des organisations et des institutions étrangères, très familières de ces sujets et de ces chiffres.
Paroles de diplomate (sur les chiffres ):
Faire passer les AMP en territoire français de 33 à 79 % demandent des moyens importants jamais annoncés ni abordés : drone et satellite de surveillance, déploiement de de police des mers, équipement adéquat, et en nombre proportionné à la surface . Ou sont-ils ?
Un autre (à propos des les contrôles autour des îles) :
Comment surveiller 5 millions de km supplémentaires d’AMP et 1 million de km2 supplémentaire en zone de protection forte ? Les moyens n’existent pas. La bonne volonté des polynésiens pour contrôler se limite à la vision de l’horizon. Au-delà, c’est open bar!

Personne n’est dupe des annonces du président MACRON, qui a perdu toute crédibilité à l’étranger, en sus de l’opposition des associations françaises qui ont dénoncé cette manipulation.
Certains médias et associations ont néanmoins soulevé le voile :
Mediapart :Le sommet de Nice accouche d’engagements pour les océans en deçà de l’urgence écologique
Liberation : Macron fait des annonces en demi-teinte sur les aires marines protégées
reporterre « Emmanuel Macron touche le fond »
letsbenicetotheocean : Nice-talk, now walk the talk
BLOOM – AMPgate – la preuve du mensonge
et en parallèle de l’UNOC, le retour arrière est En Marche :
Les macronistes rejettent une proposition de loi sur les aires marines protégées
En conclusion , les vraie questions qui se posent :
Voulons nous stopper notre croissance infernale, stopper notre prélèvement sans limite?
Voulons nous une véritable protection pour nous , le vivant et les générations futures?
OU contentons nous d’une situation de statu quo ou de régression pour satisfaire nos appétits court-termistes ?
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