L’UNOC et Les Aires Marines Protégées à la française…

par | 17 Juin 2025 | La défense des droits de l'Océan, News

Les aires marines protégées était LE sujet attendu par les ONG, tant sur le plan national qu’international lors de l’UNOC à Nice. Notre attente était grande et portée aux côtés d’autres ONG, au sein de la coalition citoyenne pour l’Océan, entre autres.

Hélas, le résultat est loin, très loin, de l’urgence environnementale !

Cet article fait le point sur les annonces françaises, nous commenterons les aires marines internationales en haute mer (BBNJ / au-delà des juridictions nationales) dans un prochain article.

Méditerranée cote française

Un coup de com’ savamment orchestré

Le 9 juin, par la voix de son président et du communiqué de presse de la ministre de la Transition Ecologique, La France se targuait d’annonces fracassantes en matière d’aires marines protégées !

La veille au soir, nous avions le communiqué de presse en main, et avouons -le, à la première lecture, nous avons été dupés !

Un communiqué de presse préparé de longue date, en secret, qui mérite la palme d’Or de la mauvaise foi et de la meilleure présentation de chiffres !

Mais la nuit porte conseil : après avoir revu les définitions des aires marines, les chiffres et les cartes associées, nous avons déchanté devant le mécanisme implacable du coup de com’ du président Macron, et de sa ministre…

Malheureusement, la presque totalité des médias sont tombés dans le panneau et ont relayé les informations françaises qui ne manquent pas de panache et… d’air !

Dossier de presse UNOC France

De quoi parle-t-on ?

Avant d’examiner les chiffres, au demeurant inutiles, rappelons quelques éléments importants :

  • La protection des aires marines protégées dispose d’une définition « à la française », qui d’une part empile 14 statuts différents, avec pour la protection la plus importante dite protection forte (ZPF)  ) dont le cadre légal est complexe et manque de clarté. Le décret du 12 avril 2022 en pose une définition aux critères flous avec une approche au cas par cas, sans interdiction explicite d’activités (protéger fortement c’est « viser à éviter, diminuer significativement ou à supprimer, de manière pérenne, les principales pressions sur les enjeux ». Et rien sur le bannissement de la pêche ou de techniques de pêche.
  • La définition européenne des aires marines protégées s’appuie et recommande à l’ensemble des Etats qui l’ont adoptée ( sauf la France) celle de l’UICN. La protection la plus élevée dans ce cadre est la protection « stricte » de la commission européenne qui correspond au catégories Ia et Ib de l’UICN qui comprend 6 niveaux de protection, la plus restrictive (catégorie I) à la plus permissive (catégorie VI).
  • Les derniers travaux de simplification des catégories de l’IUCN portent d’ailleurs à 4 niveaux de protection : intégrale, haute, légère, minimale. La protection intégrale ne comporte aucune activité extractive et correspond à la protection stricte de la commission européenne.

Avant de parler chiffres, il faut s’entendre sur les définitions !

De nombreuses associations, dont Longitude 181 prônent en premier lieu :

  • L’alignement de la “protection forte” française sur la “protection stricte” européenne, fondée sur les critères des catégories I et II de l’UICN
  • L’adoption de la définition générale des niveaux de protection de l’UICN pour la France

Pour parler chiffres, il faut pouvoir les comparer !

Deuxième point important : L’UICN a clarifié qu’une zone sujette à des activités industrielles extractives (pêche, extraction de sable,…) ou abritant des infrastructures industrielles ne pouvait en aucun cas être désignée comme une aire marine protégée.

Dès lors toute activité de chalutage de fond, par exemple est incompatible avec la définition même d’aires marines protégées.  Et par extension toute activité d’extraction.

La France, avec sa définition des aires marines protégées, en y autorisant des activités de prélèvement est incohérente avec les définitions internationales et comptabilisent ses aires marines protégées à l’aulne de ses propres règles. De plus, elles poussent ses aires marines protégées essentiellement dans les territoires ultra-marins.

D’où notre requête conjointe de répartition équitable entre l’hexagone et les territoires ultra-marins des aires marines protégées, ces derniers permettant de « faire du chiffre » et de constituer des aires marines de papier, loin des yeux et du cœur.  La répartition que nous défendons est celle des façades maritimes (Mer du nord, Manche, Atlantique, Méditerranée, Mer de corail, etc.) afin d’assurer partout un corridor de protection de la biodiversité marine.

Les annonces chiffrées de l’UNOC

Petit rappel : au niveau international, il est de bon ton d’atteindre les 2 objectifs suivants :

  • 30 % avant 2030 pour l’ensemble des aires marines d’un domaine maritime d’un Etat
  • et 10 % de protection stricte

Les annonces faites par la France à L’UNOC se résument en un tableau AVANT L’UNOC / APRES L’UNOC (issu du communiqué de presse) ci-contre :

Plusieurs constats :

  1. Les aires marines AMP en France hexagonale ne bougent pas : de 46 % à 46%,

Circulez, pas de changement, chalutage et extraction resteront possibles dans ces zones !  On ne gêne personne, business as usual !

2. L’essentiel de la « nouvelle » protection se faisant en outre-mer de 33 ,1 % à 79 % !

Diantre !  Il semble que les 4,5 millions de km2 soient apparus d’un coup de baguette magique ! Merci à la Polynésie notamment,…  Mais dommage que les moyens pour pourvoir au contrôle de ces AMP n’ait pas fait l’objet d’une quelconque annonce ou mesure. Dès lors, beaucoup d’interrogations sur la réalité de ces AMP au statut le moins disant.

3. Pour les zones de protection forte à la française, forte progression globale de 4.8 à 14.8 % avec l’apport, ici encore de l’outremer, avec les mêmes remarques qu’au point précédent.

4. Pour les zones de protection forte, on peut penser à la vue des chiffres que le gouvernement français ait entendu le critère de meilleure répartition équitable entre l’Hexagone et l’outre-mer car l’hexagone passe de 0.1% à  4% ! (on rappelle que tout y est possible quand même par la définition de 2022).  Et à ce point, se pose la question de l’augmentation par 40 (!) des zones de protection forte. C’est ici que les cartes jointes en annexe du communiqué de presse nous éclairent et sèment le doute.

    Les zones de protection forte proposées (vert clair) sont disposées le long du talus continental, une zone difficilement accessible au chalutage, voire où l’interdiction de chalutage est déjà en vigueur !  On ne gênera personne, c’est sûr ! Business as usual !

    …Et c’est la même chose en Méditerranée ! (Voir carte en annexes du communiqué de presse)

    Belle tromperie écologique qui en dit long sur les procédés utilisés pour assurer un coup de com’ menteur !

     La réalité est que les chiffres sont vidés de tout leur sens ! Où est la protection additionnelle à la sortie de l’UNOC ?

     Intransigeants et suspicieux ?

     Le sommes-nous ? Eh bien, pour en juger, nous avons demandé sur place l’avis des congressistes présents à l’UNOC que nous avons croisés, et particulièrement ceux des organisations et des institutions étrangères, très familières de ces sujets et de ces chiffres.

    Parole de diplomate (sur les chiffres) :

    Faire passer les AMP en territoire français de 33 à 79 % demandent des moyens importants jamais annoncés ni abordés : drone et satellite de surveillance, déploiement de la police des mers, équipement adéquat, et en nombre proportionné à la surface. Ou sont-ils ?

    Un autre (à propos des contrôles autour des îles) :

    Comment surveiller 5 millions de km supplémentaires d’AMP et 1 million de km2 supplémentaire en zone de protection forte ? Les moyens n’existent pas. La bonne volonté des polynésiens pour contrôler se limite à la vision de l’horizon. Au-delà, c’est open bar !

    Personne n’est dupe des annonces du président MACRON, qui a perdu toute crédibilité à l’étranger, en sus de l’opposition des associations françaises qui ont dénoncé cette manipulation.

    Certains  médias et associations ont néanmoins soulevé le voile :

    Mediapart :Le sommet de Nice accouche d’engagements pour les océans en deçà de l’urgence écologique

    Libération : Macron fait des annonces en demi-teinte sur les aires marines protégées

    Reporterre « Emmanuel Macron touche le fond »

    Carenews : la position française provoque la déception 

    Le pélerin : un tournant diplomatique malgré des zones d’ombre

    Courrier International : Des progrès pour les océans, pas suffisants pour le climat

    LPO : une vague de promesses pour l’Océan

    Lets be nice to the ocean : Nice-talk, now walk the talk

    BLOOM – AMP gate – la preuve du mensonge

    et en parallèle de  l’UNOC,  le retour arrière est  En Marche :

    Les macronistes rejettent une proposition de loi sur les aires marines protégées

    On aurait aimé que la France fasse comme le Danemark par exemple qui a annoncé l’interdiction du chalutage de fonds dans l’ensemble de sa zone économique exclusive (ZEE). On aurait aimé du courage politique pour aligner la définition de la protection à la française sur celle de l’UICN : il est vrai que les chiffres n’auraient pas été très bons, voir en dessous de ceux préexistants à l’UNOC !

    En conclusion, les vraies questions qui se posent :

    Voulons-nous stopper notre croissance infernale, stopper notre  prélèvement sans limite?

    Voulons-nous une véritable protection pour nous, le vivant et les générations futures ?

    OU contentons-nous d’une situation de statu quo ou de régression pour satisfaire nos appétits court-termistes ?

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