Dans le cadre de la “crise requins” sur l’Ile de La Réunion, l’Université de La Réunion remet officiellement en cause “l’utilité” des pêches “préventives” dans le cadre du programme local de “gestion du risque requins”.

Depuis le début de cette problématique, Longitude 181 (au sein d’un collectif d’une dizaine d’associations aussi bien métropolitaines que réunionnaises), clâme haut et fort que les pêche “préventives” et/ou “punitives” ne servent à rien. Aujourd’hui, d’autres voix s’élèvent pour l’affirmer. Mieux ces spécialistes l’écrivent noir sur blanc sur papier à entête de la Préfecture de l’Ile de La Réunion.

Qui sont ils ? Seraient ce les membres du conseil scientifique de la Réserve Marine, que certaines personnes n’hésitent pas à qualifier d’ “assassins” chaque fois qu’un accident a lieu ? Seraient ce les scientifiques de l’IRD, que ces mêmes personnes jugent à la botte des association pro environnement comme la nôtre ? Seraient ce les “éco-fanatiques” que nous sommes nous mêmes, qui c’est bien connu, préfèrent la vie d’un requin à celui d’un humain (comme se le plaisent à dire nos détracteurs) ?

Que nenni. Il s’agit du constat sans appel et documenté de la part des spécialistes de l’UNIVERSITE DE LA REUNION ayant mission officielle d’autopsier les requins capturés dans le cadre des programmes de pêche, justement…

Petit extrait :

“….les autorités ont décidé de maintenir une activité de pêche avec pour objectif de réduire les populations de requins tigres et bouledogues aux abords de La Réunion et ainsi de réduire le risque d’attaques, sans aucune certitude sur l’effet réel de cette pêche sur les attaques. En effet, une synthèse des études sur les coûts économiques des programmes de pêche conduit à Hawaï entre 1959 et 1976 et les résultats en termes de réduction des attaques a conclu que la pêche n’avait pas été efficace pour réduire les attaques par les requins tigres (Wetherbee et al. 1994). De même, en Australie, où plusieurs programmes de pêche de protection existent dans différentes provinces (filets et drumlines), les résultats restent mitigés avec des attaques  qui subsistent, une opinion publique très divisée sur l’intérêt de ces programmes et des impacts sur la biodiversité marine qui sont des préoccupations majeures (Sumpton et al.2011 , Gibbs et Warren 2015).”

Ils vont même plus loin en mettant en avant, dans une tournure très “politiquement correcte d’ailleurs, le comportement des usagers de la mer qui, apparemment n’est pas réservé à certains “rebelles” de l’Ile de La Réunion :

“…De plus, les usagers de la mer, ne sont pas clairement au courant  des mesures de réduction du risque mises en place et ne choisissent pas nécessairement les sites qu’ils fréquentent en fonction de protections opérationnelles (Crossley et al. 2014) soulignant ainsi toutes les difficultés associées à la mise en place de programmes de gestion du risque s’ils ne sont pas accompagnés de mesures de sensibilisation et d’éducation à l’environnement comme l’avait déjà souligné Jaccoud (2014)  pour La Réunion.”

Où sont les volets “sensibilisation et éducation à l’environnement” dans le cadre du programme réunionnais ? Qu’en est il dans un climat où les médias et certaines associations locales n’ont de cesse que d’accuser du pire ceux qui portent justement la connaissance ? On peut s’interroger. Historiquement, afin de justifier les programmes de pêche mis en place à la Réunion, leurs promoteurs n’ont eu de cesse de mettre en avant l’Afrique du Sud, y compris en s’appropriant un peu facilement des “parrainages” locaux celui d’un certain J.Cliff dont vous verrez apparaître le nom dans ces lignes. Sur ce sujet, l’extrait suivant de ce rapport universitaire est édifiant :

“…Seul le programme de protection des activités nautiques du Kwazulu -Natal  en Afrique du Sud, semble donner pleinement satisfaction (Dudley et al.1998). Il pose cependant des problèmes quant à la protection de l’environnement, avec de nombreux impacts sur la biodiversité marine (Cliff et Dudley 2011), ce qui poussent les responsables du programme à revoir leur stratégie en termes d’engins utilisés pour réduire les prises accessoires. Par ailleurs, les résultats de ce programme de protection suggèrent que les captures sont toujours importantes car elles sont constituées de nouveaux individus venus de l’extérieur des zones de pêches (Duddley et Cliff  1993, Duddley 1997), tout comme le long des côtes de Nouvelle Galles du Sud en Australie (Reid et al.2011). Ce résultat met en évidence l’importance de la prise en compte de la connectivité entre les zones à protéger et les régions adjacentes dans la gestion du risque …Ceci pose donc la question de l’utilisation de la pêche comme outil de gestion du risque sur le long terme par rapport aux coûts écologiques et économiques engendrés.”

Edifiant…Pour rappel, nos détracteurs nous ont toujours affirmé que les appâts des drumlines n’attiraient pas les requins du large à la côte…. Mais peut être que La Réunion n’est pas connecté avec l’Océan Indien ? Voyons ce que dit ce rapport scientifique sur ce sujet :

Globalement, on peut retenir une structuration des populations de requin bouledogue à l’échelle des bassins océaniques et une forte connectivité entre les populations du sud ouest de l’Océan Indien , qui suggèrent des rencontres régulières entre individus pour la reproduction , y compris pour les requins de La Réunion. Concernant le requin tigre, les résultats suggèrent  très peu de structuration et une forte connectivité entre toutes les populations de l’ensemble indo-pacifique sud. Ces résultats ne différent pas des conclusions d’une étude récente sur la génétique des populations globale du requin tigre (Bernard et al.2016)  qui suggèrent une structuration des populations entre le bassin atlantique et l’indo-pacifique.”

Bon, dernier essai….peut être que La Réunion est déconnectée de la planète bleue ? Que nous disent les scientifiques locaux ?

En effet, cette situation de crise aux conséquences locales, ne doit pas faire oublier  le contexte global de changement climatique, d’érosion  de la biodiversité, de surexploitation des ressources marines (dont de nombreuses espèces de requins) et de perturbations parfois profondes des équilibres écologiques aux conséquences socio-économiques , bien que difficilement quantifiables , très néfastes pour le développement des sociétés humaines. De plus, il n’est pas exclu que les causes de cette série d’attaques aient des origines qui dépassent largement le cadre réunionnais (Chapman et McPhee 2016 ), c’est à dire qu’une ou une série de perturbations globales (échelle du bassin océanique) aient des répercussions locales (l’Ile de La Réunion).”

Après cela, peut on encore soutenir l’action de pêche comme action de “réduction du risque requin” ?

Pour en savoir plus :rapport_ecoreco-run

 

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