La pêche

 

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  • Boycottez les restaurants qui servent de la soupe d’ailerons de requin, viande de tortue, de cétacés ou de poissons péchés au cyanure
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 Plaidoyer pour une pêche durable responsable

En Europe, comme dans le reste du monde, la pêche connaît une crise sans précédent. Alors que les deux tiers des espèces commerciales sont surexploitées ou pleinement exploitées, la demande en nourriture de la mer croît sans cesse. Les politiques européens tentent de remédier à cette situation dramatique que certain d’entre nous avait annoncée, il y a plus de 15 ans. Mais apportent-ils les bonnes réponses ?
Dans ce marché, l’évaluation du commerce des espèces marines est difficile, les études sont rares et le contrôle ardu.

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En 1950, les captures mondiales approchaient 20 millions de tonnes. En moins de vingt ans, les captures triplaient grâce à l’amélioration des engins de pêche et la multiplication des bateaux. Dès 1970, alors que les débarquements étaient de 70 millions de tonnes, les pêcheurs notaient les premiers signes d’une pleine exploitation des stocks de l’Atlantique nord : les poissons qu’ils pêchaient étaient de plus en plus petits; les grands individus âgés avaient disparu. Au lieu de considérer cet avertissement, les flottilles se lancèrent vers d’autres lieux de pêches, d’autres océans pour exploiter de nouveaux stocks de poissons. Les captures augmentèrent à nouveau pour atteindre 84 MT à la fin des années 80. Depuis, les débarquements stagnent bien que les navires soient beaucoup plus performants et bien qu’ils exploitent chaque recoin des océans, plongeant leur chalut jusqu’à 2.000 mètres de profondeur. En moyenne, chaque année, 54 MT sont destinés à la consommation humaine et 30 MT de petits poissons sont transformés en farine pour la consommation animale. 30 autres MT sont scandaleusement rejetés morts parce qu’ils ne correspondent pas à ce que recherchent les pêcheurs.

Dans l’Atlantique, le déclin de certaines populations de poissons est dramatique. Les mythiques bancs de morues de Terre Neuve, symboles de l’inépuisable richesse de l’océan, sont aujourd’hui puisés : la pêche est fermée depuis 1992 ! Elle devrait être interdite de ce côté-ci de l’Atlantique dès 2003. Le merlu, autre poisson si abondant qu’il faisait vivre des ports entiers, est lui aussi en danger : en 1961, les débarquements annuels en Europe étaient de 140.000 t, ils sont d’à peine 35.000 t aujourd’hui !

Depuis 20 ans, les pêches mondiales ont atteint les limites naturelles. Certains refusent encore d’accepter ces limites, suggérant que l’aquaculture prendra le relais. Tromperie !
Car la plupart des poissons que nous élevons sont des poissons carnivores qu’il faut nourrir avec de la farine de poisson sauvage : pour faire un kilo de poisson d’aquaculture, il faut en moyenne 1,3 kilo de farine, soit 6 kilos de poisson sauvage, auquel il faut ajouter 1 kilo de farine de soja ! D’autre part les grandes fermes aquacoles posent des problèmes très importants de pollutions et de destruction du milieu marin qui réduisent considérable la fécondité des espèces sauvages.

Il faut se rendre à l’évidence : la mer ne pourra pas nous donner plus. Ses ressources sont naturellement et définitivement limitées. Nous devons impérativement ajuster nos prélèvements à la capacité de renouvellement annuel des espèces.

Pour endiguer l’effondrement des stocks et garantir l’approvisionnement de son marché la communauté européenne a décidé, il y a 20 ans, d’une politique commune des pêches de plus en plus restrictive. Malgré ces mesures, la situation n’a cessé de se dégrader. Au cours de l’année 2002, les États européens devaient réformer cette politique qui avait échoué. Le département Océans et Côtes du WWF-France, dirigé par Laurent Debas, a fait une proposition de réforme globale (voir site du WWF-France). François Sarano, chargé du programme Pêche et Ressources halieutiques, analyse et envisage les conséquences à long terme du compromis signé par les États européens.

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Un livre vert, des mois de discussion, une mobilisation politique et m édiatique sans précédent pour une terrible déception : la Communauté européenne n’a pas osé réformer sa Politique Commune des Pêches (PCP) pour sauver pêcheurs et poissons. La politique de marchand de tapis à court terme a prévalu, interdisant la refonte d’un système qui ne permettra jamais une pêche durable. Comme hier, l’Europe considère toujours la pêche comme une activité destructrice dont elle tente, en vain, de limiter les dégâts… Les politiques n’ont pas compris que la pêche ne sera durable que lorsqu’elle sera devenue une activité de gestion, financée en tant que telle !

Le compromis signé renforce les mesures (quotas, sélectivité, cantonnement…) qui font faillite depuis 20 ans. Pourtant, ces mesures sont les bonnes. Si ces bonnes mesures sont inefficaces, c’est que le cadre dans lequel elles sont appliquées est mauvais. En effet, le mandat que la Politique Commune de la Pêche (PCP) donne à ses pêcheurs est contradictoire : ramener du poisson pour garantir l’approvisionnement du marché européen, tout en limitant les captures pour préserver les stocks. Dans le même temps, nous, consommateurs, refusons de payer plus cher le poisson, interdisant, de ce fait, à nos pêcheurs de compenser le manque à gagner du à la nécessaire limitation des captures. Ainsi Europe et consommateurs exigent des pêcheurs de gérer ce qu’ils considèrent comme leur ressource, mais refusent d’en assumer les conséquences financières !

Les accords signés en décembre 2002 maintiennent cette contradiction qui condamne nos pêcheurs à transgresser les règles de gestion. L’Europe renforce les mesures restrictives et punitives et, en supprimant les aides au renouvellement de la flotte, elle exacerbe la guerre économique entre les armements au profit des consommateurs. Les conséquences sont catastrophiques à l’échelle européenne et mondiale. En Europe, les pêcheurs artisans, qui ne pourront s’expatrier dans les eaux étrangères et dont la flotte vieillissante doit être renouvelée, ne résisteront pas aux grosses sociétés armatrices dont l’assise financière est plus solide et dont une partie de la flotte travaille hors de la ZEE. De plus ces sociétés maîtrisent bien souvent l’ensemble de la filière : pêche, transformation, distribution et aquaculture… La PCP va inexorablement aboutir à la concentration de la capacité de pêche au sein des sociétés armatrices les plus puissantes. La concurrence, qu’elles continueront à se livrer pour maintenir les prix les plus bas, va renforcer la pression sur les stocks de poissons à l’échelle mondiale, qui, exploités sans aucun souci du futur, sont la plupart déjà en danger.

Allons-nous épuiser les eaux du tiers monde pour garantir momentanément l’approvisionnement de notre marché…? Nous sommes 6,5 milliards d’habitants. l’océan mondial nous offre 85 millions de tonnes de poissons chaque année. Le marché doit intégrer cette limite naturelle, tout en envisageant un partage plus équitable des ressources entre pays riches et pays du tiers monde.

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Comment imposer les conditions d’une pêche durable en Europe et dans le monde ?
Une seule solution à long terme : faire de la pêche une activité de gestion concertée. Pour cela l’Europe doit officiellement reconnaître la ressource halieutique comme son patrimoine et doit en confier contractuellement la gestion à ses pêcheurs, réunis en unités de gestion.

Ce nouveau métier – pêcheur-gestionnaire – exige formation, temps et moyens. Il ne peut être financé par la seule vente des poissons pêchés, surtout si la gestion exige une diminution importante des captures. Il faut donc que l’Europe finance contractuellement les pêcheurs-gestionnaires en leur assignant comme objectif premier de pérenniser les stocks et, dans un deuxième temps seulement, de fournir le marché dans les limites imposées par la nature. Cette rémunération contractuelle rendra caduque toutes formes de subventions.

Cette gestion contractuelle permettra de passer d’une politique coercitive à une politique de concertation qui responsabilise et rend aux pêcheurs leur dignité. Les mesures de limitations des captures seront d’autant mieux respectées qu’elles seront prises par les pêcheurs-gestionnaires eux-mêmes, qui seront aussi chargés de les faire respecter sur le terrain.

Puisque l’Europe n’a pas su engager un vrai processus de réforme, les pêcheurs doivent démontrer leur capacité à gérer en concertation leur ressource, à l’échelon local et international. Dans ce but, le WWF-France propose des plates-formes de discussion qui réuniraient pêcheurs et scientifiques pour explorer, sur les bases de son projet de réforme, toutes les voies qui mèneront à une gestion concertée à long terme du patrimoine halieutique.
Les pistes de réflexion sont multiples et complexes : définition et mise en œuvre d’unités de gestion pilote réunissant les pêcheurs travaillant dans les mêmes secteurs, ou sur les mêmes stocks quelle que soit leur nationalité, évaluation de l’impact des activités humaines sur la ressource halieutique et les écosystèmes marins – extraction de granulats, rejets de polluants, impact de la pêche minotère -, réflexions sur les engins de pêche et la notion de « bateau durable » calibré aux capacités de la ressource, financement des opérations de gestion et intégration dans le bilan financier de l’activité de pêche, formation des pêcheurs au métier de gestionnaire, information et sensibilisation des consommateurs, promotion des activités de pêche durable etc…

Le chantier est immense, il est passionnant car il ne s’agit ni plus ni moins que de l’avenir de la pêche et de celui des pêcheurs.

François Sarano

Un résumé du projet est disponible ici

Vous pouvez téléchargez l’étude sur la faisabilité des Unités d’Exploitation, de Gestion et de Contrôle (pdf)

 

Pour en savoir plus :

  • Pour avoir toutes les données de base consultez le site de la FAO

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